L'INJONCTION DE PAYER DANS LE CADRE D’UN RECOUVREMENT DE CRÉANCES

En France, si le règlement à l’amiable d’une dette, qu’il s’agisse d’une facture ou d’une reconnaissance de dette, s’avère infructueux, vous pouvez solliciter une injonction de payer auprès du tribunal. Pour les créances inférieures à 5 000 €, une procédure simplifiée de recouvrement peut être entreprise par un commissaire de justice (anciennement huissier de justice). Voici un aperçu détaillé de cette démarche et dans quelles circonstances il est possible de l’utiliser

Qu'est-ce que la procédure d'injonction de payer et quand y avoir recours ?

Si vous êtes confronté à des impayés de la part d’un particulier ou d’un commerçant, que ce soit pour une facture en souffrance ou une dette incontestée, vous pouvez saisir lejuge pour qu’il procède au recouvrement forcé de la créance : c’est l’injonction de payer. Cette procédure de recouvrement judiciaire prend en moyenne deux mois et ordonne à la personne endettée de rembourser ses dettes à son créancier. Le créancier doit présenter des preuves de la dette afin que le juge puisse émettre l’ordonnance. Cette injonction aboutit à l’obtention d’un titre exécutoire, un acte juridique autorisant l’exécution forcée de la créance.

Dans quels cas y recourir ?

  • La créance est issue d’un contrat. Celui-ci doit inclure le montant de la créance, pouvant résulter de diverses transactions telles qu’un achat chez un commerçant, un prêt, une facture impayée, un découvert bancaire, une reconnaissance de dette, un loyer impayé ou une caution. 
  • La créance provient d’une obligation légale, telle que les charges de copropriété ou l’adhésion à un organisme obligatoire, comme une caisse de retraite.
  • La créance découle d’une transaction commerciale, pouvant prendre la forme d’une lettre de change, d’un billet à ordre ou d’une cession de créance professionnelle, telle qu’un bordereau Dailly.
 
– Quelles sont les conditions à remplir pour ma procédure soit valable ?

Pour pouvoir récupérer une créance, la personne ou l’entreprise qui en fait la demande doit vérifier que la dette est :

  • Certaine : La créance doit être incontestable et réelle, ce qui nécessite la présence d’un contrat dûment signé avec des conditions générales de vente explicites, incluant le montant dû et toutes les mentions légales requises.
  • Liquide : Le montant de la créance ou sa méthode de calcul doivent être transparents. La créance doit représenter une somme d’argent définie, prête à être acquittée. Bien qu’il ne soit pas nécessaire de spécifier la somme à l’avance, celui-ci ne doit pas se limiter à une estimation approximative.
  • Exigible : Le paiement de la créance doit être légalement obligatoire à la date indiquée sur la facture. La somme devient due une fois cette échéance dépassée. Avant cette date, le créancier ou l’entreprise créancière ne peut pas exiger le règlement.
 

– Existe-t-il un délai de prescription ?

Il est crucial de prendre en compte la prescription, qui désigne la période au-delà de laquelle aucune action en justice pour recouvrement n’est recevable. Ce délai commence à courir après la dernière échéance de paiement accordée. Une fois la prescription écoulée, le créancier perd le droit d’engager une action en justice contre le débiteur pour recouvrer la créance.

Selon le type de débiteur, les délais de prescription ne seront pas les mêmes :

  • Pour les particuliers : délai de prescription de deux ans.
  • Pour les professionnels : délai étendu à cinq ans.

article-injonction-photo-1

Comment effectuer une requête en injonction de payer en tant que créancier ?

 La rédaction du formulaire Cerfa

Le formulaire doit inclure les informations suivantes :

  • Dans le cas où le demandeur est une personne physique : nom, prénom, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance
  • Dans le cas où le demandeur est une personne morale : forme de la société, activité, dénomination, représentant légal et adresse du siège social
  • Nom et domicile de la personne contre laquelle la demande est formulée, ou, dans le cas où il s’agit d’une personne morale, sa dénomination et l’adresse de son siège social
  • Objet de la requête
  • Le montant réclamé, détaillé, comprenant les divers éléments de votre créance tels que les intérêts, les astreintes, ainsi que la justification de cette somme.

Attention, si l’une de ces indications est absente, la demande risque d’être rejetée.

Enfin, le formulaire doit être assorti d’un bordereau de pièces justificatives étayant la requête, telles que bons de commande, contrats, factures impayées, lettres de mise en demeure, e-mails, lettres de relance, etc. En cas d’opposition de votre débiteur, vous avez également la possibilité de réclamer que l’affaire soit directement portée devant la juridiction que vous jugez compétente.

Où dois-je déposer la requête ?

La demande doit être transmise ou déposée au greffe de la juridiction appropriée.

L’instance judiciaire compétente varie en fonction du litige :

    • Si le litige implique des particuliers ou un particulier et un professionnel, la juridiction compétente est le tribunal judiciaire.
    • Si le litige concerne deux professionnels (commerçants, artisans, etc.), la juridiction compétente sera le tribunal de commerce.

– Comment se déroule la requête au tribunal ?

Aucune audience n’est tenue et la procédure est non contradictoire, ce qui signifie que le juge prend sa décision en se basant uniquement sur les éléments fournis par le créancier, sans prendre en compte les arguments du débiteur.

– De quelle manière est notifiée l’injonction ?

Le créancier est tenu de faire signifier la requête ainsi que l’ordonnance d’injonction de payer à chaque débiteur par un commissaire de justice. Le débiteur a la possibilité d’accéder gratuitement aux pièces justificatives jointes à la requête de façon électronique via la plateforme Mespieces.fr. Si cette mise à disposition électronique n’est pas possible, le commissaire de justice doit annexer les documents à la requête lors de sa signification.

L'acte de signification doit inclure, entre autres, les éléments suivants :

  • Une sommation de régler la somme spécifiée dans l’ordonnance, ainsi que les intérêts et les frais, au créancier.
  • Les modalités et le délai pour former une opposition.
  • La juridiction compétente pour l’opposition.
  • Un avertissement informant le débiteur de sa possibilité de consulter les pièces au greffe.
  • Une notification indiquant qu’en l’absence d’opposition dans le délai imparti, aucun recours ne pourra être exercé.

Selon la loi, l’ordonnance devient caduque (non valable) si elle n’a pas été signifiée dans les six mois suivant sa date.

– Puis-je contester l’injonction ?

Le débiteur a une échéance d’un mois à compter de la signification de l’ordonnance d’injonction pour former une opposition. Si la signification n’a pas été effectuée en personne, ce délai d’un mois débute à partir de l’acte d’exécution.

Pour s’opposer à une injonction de payer, il est nécessaire de s’adresser à la juridiction ayant rendu la décision. Cela peut se faire en se présentant au greffe ou en envoyant une requête en recommandé avec accusé de réception (RAR), que ce soit sur papier libre ou en utilisant le formulaire Cerfa n°15602. Toutes les pièces justificatives nécessaires doivent être incluses, telles que la copie de l’injonction reçue et les références figurant sur la décision.


En ce qui concerne les injonctions excédant les 10 000 €, l’opposition doit obligatoirement être effectuée par l’intermédiaire d’un avocat, que ce soit devant le tribunal judiciaire ou de commerce. En revanche, l’assistance d’un avocat n’est pas requise devant le juge des contentieux de la protection, quel que soit le montant de la créance.

– Quel sera le coût à débourser pour obtenir le recouvrement ?

La requête est gratuite, cependant, si elle est déposée par un avocat, un commissaire de justice ou un mandataire, des honoraires seront à régler. La signification de l’ordonnance d’injonction de payer au débiteur entraîne des frais liés au commissaire de justice. En cas de ressources insuffisantes, les frais d’avocat et de commissaire de justice peuvent être pris en charge par l’aide juridictionnelle.

À noter que si la requête passe par le tribunal de commerce, le créancier doit payer des frais de greffe de 33,47 € dans les 15 jours qui suivent la présentation de la requête.

En résumé

La procédure d’injonction permet de récupérer des créances en France lorsque les tentatives amiables de règlement échouent. Une fois déposée auprès de la juridiction compétente, elle aboutit généralement en deux mois, sans audience ni contradictoire. Le débiteur dispose d’un mois pour s’y opposer. La procédure est gratuite, mais des frais peuvent s’appliquer si le créancier sollicite un service d’un avocat ou d’un commissaire de justice.